D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé la pluie.
D'abord pour sa musicalité, son rythme. Qu'elle soit douce ou forte, régulière ou saccadée, bruine légère ou tempétueuse. Dès que son chant débute, elle saisie mon attention, elle me captive : mes oreilles sont à l'affut et je ressent une sorte de plénitude, de calme, de bonheur. En même temps, elle m’emplit d'énergie.
Si je le peux, je m'installe confortablement à côté de la fenêtre pour regarder et écouter la pluie tomber. Les sons diffèrent en fonction de la taille des goutes, de la présence ou non de vent, et puis du support sur lequel les goutes tombent : tuiles, béton, goudron, fenêtres, plastique, métal... Si leur chute est directe, si l'eau ruisselle, si elle sort d'une gouttière, si elle rebondi, si elle tombe de haut, de bas, sur un support creux ou plein...
On pourrai la croire monotone, mais c'est tout le contraire.
Le second point qui m'enchante, c'est sa façon de modifier la lumière.
Le soleil certes, peut disparaitre totalement sous les nuages, mais chaque gouttelette va réfléchir un peu de lumière, les surfaces vont devenir luisantes. La lumière est plus diffuse, plus douce. Elle peut également apparaître à de nouveaux endroit, par un trou dans les nuages, par un reflet... et éclairer différemment les choses.
Comme par temps de brume, je trouve que cela apporte aux paysages et aux éléments un aspect magique, entourés de mystères...
De jour comme de nuit, ma vision des choses est modifiée par la pluie, et c'est un nouveau paysage, un nouveau regard que je porte. Les trottoirs brillent, les feuilles scintillent, le regard est attiré par une goutte qui roule le long d'un rameau, ralenti sa course sur une feuille, débaroule sur une autre puis une autre encore, avant d'hésiter à la pointe d'une autre pour enfin se laisser tomber, comme du haut d'un plongeoir.
Et enfin, il y a les odeurs... surtout s'il fait chaud.
Avant de tomber, je peux déjà la sentir : quelque chose se dégage. Et puis les premières gouttes vont révéler les odeurs du sol : humus, terre, feuilles, bitume... plus il a fait chaud et plus elles vont se développer. C'est un peu comme si elles étaient piégées et que la pluie les délivraient.
Si ensuite le soleil sort à nouveau et réchauffe la terre, de nouvelles fragrances s'infusent alors dans l'air. Nouvelles gourmandises olfactives éphémères.
Si par contre il fait froid, ces odeurs sont plus subtiles.
Quelques souvenirs :
- Courir pieds nus, fringues retroussées, sur une route en pente avec 5 cm d'eau dévalent la même route et un déluge tombant du ciel.
- Marcher en itinérance dans la forêt sous l'averse, une cape de pluie déchirée comme seule protection, et les fous-rire du groupe qui s'en trouve plus soudé. Chercher un abri pour la nuit et finir dans un moulin abandonné, ou accrocher des bâches aux arbres et se serrer dessous pour dormir au sec...
- Rentrer trempée, me sécher et me préparer un bon chocolat chaud (avec des marshmallows). Le déguster tranquillement en écoutant la pluie.
- Tenir mon parapluie au dessus d'une fille accidentée pour la protéger en attendant les pompiers et sentir l'eau qui dégouline le long de mon dos.
- Avoir mes chaussures rempliés d'eau à vélo.
- Regarder l'océan et le ciel se fondre pour ne faire plus qu'un.
Être dehors, sous la pluie, s'est aussi la promesse, la certitude que, bientôt, je me retrouverai au sec, bien au chaud.
Bien calée dans les coussins de mon fauteuil, je laisse mon imagination divaguer. La pluie m'emporte dans un instant où je suis bien, et tous mes sens participent à cet instant. Un fragment d'éternité.